lundi 11 décembre 2017

La Mundana, Barcelone


Rien que de plus formidable que de découvrir une table assez récente à Barcelone et qui de surcroit n’est pas encore très connue sauf des locaux ou personnes à l’écoute de ce qui se passe en ville. Pas dans un quartier forcement habituel puisque celui de Sants mais sans aucun problème accessible en métro avec la Ligne L3. C’est dans la carrer del Vallespir que se trouve la table de deux chefs, le premier, Alain Guiard de père français et mère catalane, dont le parcours est plutôt élogieux avec des passages chez ABaC à l’époque de Xavier Pellicer et le Mandarin Oriental avec Jean Luc Figueras, disciple de Ducasse et au bénéfice de probables autres expériences comme Sant Pau.  Aujourd’hui chef de trois endroits, le « Santa Burg » ouvert en 2011 (situé à deux endroits) où l’on offre des hamburgers, mets légers et sandwiches de haute qualité et maintenant « La Mundana » qui depuis 2015 est dans une catégorie gastrobar de haut niveau ; trois établissements avec de la créativité plutôt unique, quelque chose d’un peu chic, d’une peu cosmopolite et d’urbain. Sans oublier un projet appelé « Gourmand et Guiard » avec des créations de recettes de sauces naturelles d’auteurs. Un partenariat, avec un second chef appelé Marc Martin qui lui est passé chez Hisop  et également ABaC , ensuite El Viajante, El Faro et Roka (Londres), en plus de faire des étapes chez Martín Berasategui et El Cingle. Avec Alain Guiard, il a travaillé comme consultant gastronomique ainsi que dans la production de plats cuisinés avant de se lancer en tant que directeur à « Santa Burg » et maintenant partenaire à « La Mundana ».


Une petite porte dans la rue Vallespir, une indication que nous sommes dans une vermuteria gastronomique, mais c’est tout de même nettement plus sophistiqué que cela et selon moi une des plus intéressantes tables aujourd’hui dans sa catégorie. Depuis l’extérieure, l’endroit est plutôt très animé et l’intérieur dans un style très contemporain qui pourrait laisser supposer qu’il s’agit « encore » de l’une de ces nouvelles adresses à la mode et sans lendemain, mais ce n’est pas du tout le cas. Il s’agit d’une adresse dans l’esprit de l’une des tables de Adria ou de Abellan avec ce côté sophistiqué mais toujours accessible et convivial.  


Comptoir et cuisine devant lequel l’on peut manger, quelques petites tables le long du couloir qui amène à une salle à l’arrière, des étagères avec de nombreuses bouteilles, des lumières un peu industrielles, le tout a été agréablement agencé et décoré sans sombrer dans la typique et classique vermuteria. Il s’agit vraiment d’un lieu qui veut s’affranchir des bars traditionnels.




Comme nous sommes un peu en avance, nous voici installés le long du mur où sont présentés de nombreuses propositions de vermut artisanaux sur des étagères. Nous sommes effectivement dans une vermuteria mais notre choix sera autre.


Petite attente donc avec un verre de vin d’une bouteille qui nous accompagnera ensuite pendant le repas ; moment fort agréable qui nous permettra d’observer ce qui se passe en cuisine.




Au fond, cette petite salle avec seulement trois ou quatre tables, ce qui signifie qu’évidement la réservation est indispensable et que celle-ci se fera selon le taux d’occupation et probablement deux services, un en début et l’autre en fin de soirée. Murs de briques blanc, tuyauterie apparente, table en bois et chaises métalliques.





Une très belle et riche carte avec si on le souhaite des petits snacks pour un apéritif, des huitres, certaines cuisinées et des poissons crus sous forme de carpaccios. Les propositions sont souvent très alléchantes, une cuisine assez méditerranéenne sans trop de clins d’œil au lassant « fusion », des produits sélectionnés, des propositions du jour, des plats que l’on doit normalement se partager. A relever que le nom de l’établissement se réfère au monde, à la société et des influences de certaines contrées. On pourra donc trouver un peu de la France, du Japon et surtout le pourtour méditerranéen, des plats parfois traditionnels mais très souvent repensés.

On nous proposera pour commencer, un pain d’excellente qualité de la maison Raiguer avec un beurre fumé maison ; en cuisine un Josper, appareil qui permet donc d’avoir des cuissons au feu de bois et de la fumaison.


Première assiette qui impressionne immédiatement en tout cas visuellement avec le tartare de bœuf de viande rassie, épices cajun, piparras et mascarpone. Coupé au couteau, magnifiquement assaisonné, présenté en demi-assiette, une association parfaite entre ce piment vinaigré et ces petites touches de fromage. Le guindillas ou piparras est un petit piment de 5 à 12 cms de longueur, à la peau fine et très tendre. C'est une culture maraîchère basque et espagnole traditionnelle. Le tout est onctueux en bouche, parfois relevé, parfois vinaigré, c’est une manière assez innovante que de proposer ce classique, sans oublier la viande de premier choix.



Il sera accompagné de sorte de pappadum au cumin.


Seconde assiette à se partager tout aussi belle avec les sardines fumées avec une crème au fromage Scamorza, tomates cerises confites, pain de coca à l’huile d’olive. Olives manzanilla. La sardine est fumée par leurs soins, la tomate amène une touche un peu douce, la sauce au fromage surprend un peu, fromage de l’'Italie du sud à pâte filée peu affiné et produit avec du lait entier pasteurisé. Le fromage est lui aussi fumé et se marrie étonnement bien avec le poisson.


Nous poursuivons avec les poireaux à la braise, vinaigrette à la moutarde et de la cecina de Leon. Les poireaux sont tendres et la sauce est bien équilibrée, on appréciera le goût du bœuf séché et fumé, avec une texture plutôt moelleuse.


Sublime assiette que le cannelloni de porc, oignons, pieds de porc, épinards. « Comme un cannelloni », en fait de la fine poitrine qui entoure les pieds, un jus très concentré et délicieux, une préparation à base d’épinards qui sont hachés et reconstitués en en rectangle avec une texture entre mousse et gelée. C’est vraiment un très bon plat. On n’oubliera pas la fine sauce au persil sur le dessus.


Ensuite un foie gras à la braise, chutney de rhubarbe, cerises, petites betteraves et crumble. A nouveau un plat mémorable pour sa justesse des goûts et associations. Du moelleux, du croquant, du coulant, du sucré et de l’acide. Un des préparations de foie gras les plus étonnantes cette année.


Les desserts ne sont pas a être négligés surtout avec la « torrija » farcie de crème vanille. On rappellera qu’il s’agit d’une version de pain perdu servi la plupart du temps avec de la glace et une sauce caramel. Ici de forme inhabituelle car présenté comme un cake avec à l’intérieur la crème.


Un fabuleux sorbet de citron vert au basilic. Présenté comme un citron givré mais vous découvrirez des saveurs assez inédites avec cette présence assez forte de l’herbe qui malgré tout de dissimule pas le citron vert.


Un verre de vin doux avec les desserts, un Itsasmendi Urezti, vendange tardive du Nord, à classer entre Sauterne, Barsac et Jurançon, des saveurs d’orange et miel.


Pendant ce repas un magnifique Priorat Gratavinum 2012 2PiR de Gratallops, rouge violet et ruby, une intensité aromatique, des notes toastées, une touche minérale.


Voici une cuisine créative et intelligente avec beaucoup d’attention au dressage des assiettes. Un lieu assez excitant, branché et moderne, une pépite dans ce quartier qui mérite d’être découverte et redécouverte car ce ne sont pas les envies qui me manquent que de déguster d’autres assiettes. Des propositions qui ne ressemblent heureusement à aucunes d’autres nouvelles adresses qui font de « La Mundana » l’une des plus belles tables en ce moment dans sa catégorie.

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