mardi 8 août 2017

Hoja Santa, Barcelone



Je dois admettre que c’était avec beaucoup d’appréhension que j’allais chez « Hoja Santa ». La première étant qu’étant allé un grand nombre de fois au Mexique et connaissant relativement bien la cuisine ainsi que certaines tables mondialement réputées, je me demandais dans quel mesure cette table pourrait ou non rivaliser avec celles du pays. Ensuite, certains sont de grands admirateurs de tout ce que font les Adria probablement un peu aveuglément et d’autres les qualifient de chimistes opportunistes. Il devait bien y avoir un juste milieu dans tout cela et c’est avec enthousiasme que je fis ma réservation sans me soucier des commentaires négatifs de certaines personnes qui sillonnent le monde pour manger. Une approche selon moi neutre, basée sur certaine expérience dans le pays et aussi le fait que j’avais beaucoup apprécié un des autres établissements de Albert Adria, « Pakta ».

Alors d’entrée si vous me demandez d’entrée… « est-ce du mexicain moléculaire » ? Eh bien non. Ou « est-ce que cela ressemble à du Quintonil ou Pujol » ? Encore moins. J’y ai découvert une cuisine innovante, avec son identité, basée sur des ingrédients mexicains, mais avec une touche un peu folle comme l’on trouve souvent en Catalogne mais sans jamais tomber dans le ridicule du passé moléculaire.

La table en question se trouve dans le quartier de Sant Antoni, non loin du Poble. Secteur d’ailleurs où se trouvent toutes les autres tables telles que Pakta, Enigma, Tickets et Bodega 1900. D’ailleurs il faut constater que ceci a drainé un certain nombre d’intéressantes autres tables dans le coin qui rend ces deux quartiers très attirants. C’est donc dans l’avenue de Mistral, sorte de petit Rambla que se trouve « Hoja Santa ». Une entrée pas forcément des plus visibles si l’on ne connait pas le numéro, mais reconnaissable au logo justement de Hoja Santa qui est une herbe aromatique, une sorte de poivrier au splendide feuillage.


Une fois passé le pas de porte vous serez accueilli et peut-être devrez patienter quelques instants comme ce fût le cas pour nous. Vous constaterez que le second établissement plus simple appelé « Nino Viejo » et qui sert une cuisine plus genre taqueria est juste la porte à côté et peut également être accédé par cette porte. Sur la gauche le bar, quelques tables revêtues de nappes colorées typiques et au fond une seconde entrée pour le restaurant étoilé.


Vous pourrez si vous le souhaitez déjà prendre une boisson si vous deviez patienter ; évidemment un cocktail comme une margarita mais aussi d’autres boissons et alcools. Justement, en ce qui concerne les alcools, vous trouverez les meilleures tequila et mezcal qu’ils soient. La sélection est assez riche et les provenances de diverses régions du pays.






Je ne suis pas entré chez « Nino Viejo » mais le lieu a l’ait tout à fait charmant, on pourra même observer le dressage dans la cuisine de quelques assiettes, mais comme je l’ai dit précédemment, ce n’est pas du tout le même genre de cuisine.


La décoration des deux adresses est complètement mexicaine mais pas dans un style touristes avec sombreros et tissus colorés sur les murs mais plutôt soignée en tout cas dans l’entrée, avec quelques masques sur les murs, des jeux de couleurs chatoyantes et des affiches de cinéma assez pittoresques.



Quelques instants plus tard, seconde réception à côté de notre « Hoja Santa » et nous voici accompagnés à table.


Je dois reconnaitre que la décoration est vraiment très réussie car ce n’est ni trop, ni pas assez mexicain…Un juste équilibre avec un côté chic mais tout de même pas trop formel. Marbre blanc, lumière contemporaine, plafond poutré avec quelques nattes suspendues, lampes en osier, armoires frigoriques avec vitres et revêtue de bois blanc, tables avec de la mosaïque de couleur ou d’autres simplement noires, quelques bougies, rien de trop criard et c’est bien comme cela.




Ce qui aussi fort agréable c’est d’avoir une vue directe sur la cuisine ou presque plutôt un atelier avec divers points de sortie sur la salle. Dressage d’assiettes, coin cuissons, un ensemble de pianos culinaires, tout ceci élégamment aménagé entre divers meubles de bois.






Deux menus de dégustation de l’été qui ne diffèrent que par un seul plat additionnel. Le premier à 120 euros et le second à 140 euros. Une série plutôt de bouchées un peu sur le mode des autres établissement d’Adria que de vrais plats, donc pas de problème a priori pour terminer ce repas même si la liste est longue.  A noter que chaque met est suivi de la région de laquelle le plat est originaire même si souvent complètement repensé. Avec pour commencer un beignet de maïs (Nuevo Leon). Normalement on a plus l’habitude de se voir servi une boule de maïs frite mais ici c’est une délicate rosace frite sur laquelle se trouve quelques fines lamelles de radis.


Nous continuerons avec des légumes au vinaigre (Mexico). Petites carottes, des piments, et des échalottes. Le tout n’agresse pas du tout le palais car la macération n’est point trop vinaigrée.


Une gorgée rafraichissante à base de mezcal.


Comme tout repas mexicain qui se respecte, on vo apportera une très fine « salsa verde ».


Un des plats qui suivra sera à base de cochon de lait. Celui-ci sera présenté à la salle sur un chariot avant d’être découpé et ensuite servi à chaque table.




Comme nous aurons une salade à base de nopal qui sont les tiges épaisses et piquantes de cactus, celles-ci nous seront présentées dans un panier. A noter que celles-ci sont de petites tailles et assez différentes de celle que l’on trouve au Mexique.


Pour suivre une superbe et étonnante bouchée qui illustre parfaitement le côté créatif de cette cuisine inspirée par le Mexique. Amandes moelleuses avec un sorbet à l’avocat (Etat de Mexico).  On retrouve l’idée un peu de guacamole mais ici glacé, mais associé à ces amandes fraiches.


Une autre fantastique idée avec cette Sangrita à l’orange (Jalisco), une reconstitution d’un quartier d’orange. La Sangrita (petit sang) est une préparation non alcoolisée originellement à base d’orange, de citron vert et de piment. De nos jours, on inclut au mélange une grande quantité de jus de tomate et/ou de grenade et parfois même de l’oignon. Ici il s’agit d’un sorbet à base de tomate et de l’orange.


Changement de texture avec le nuage de tequila (Jalisco). On pourrait comparer ceci a quelque chose entre de l’ile flottante et de la meringue et subtilement parfumé à l’alcool de cette région.


Une délicieuse tostada de maïs avec le poisson du jour (Ensenada). Tortilla donc frite sur laquelle nous trouverons de l’avocat et des crevettes.


Ensuite une empanada de bananes plantain aux haricots noirs et feuille de hoja santa (Veracruz). Pâte très fine, farce légèrement douce et parfaitement équilibrée en saveur.


Je ne sais pas si le plat suivant est censé être sur le menu ou être une plaisanterie mais cela s’appelle « Taco Trump » à base de porc. Le cochon présenté auparavant est amené à table effiloché dans une bol. Quelques morceaux de peau croustillante, du ciron vert, du chou rouge vinaigré et une sauce verte. On confectionne son tacos avec les ingrédients ci-dessus. Bon mais rien d’exceptionnel non plus.





Vraiment bluffé par la tomate vilaine de Tudela et « pico de gallo » (Mexico). Une émulsion au siphon qui a donc les saveurs de cette traditionnelle sauce à base de tomate, concombre, oignons, piments verts et citron. Un quartier de tomate sur laquelle on trouvera quelques billes glacées sucrées de fruits des bois et de la feuille de hoja santa.


Feuilles qui nous seront présentées à table.


Un magnifique ceviche de Xochimilco (Mexico City) avec une sauce absolument parfaite.


Suivi d’un plat à base d'œufs (Mexico).


Quelques peaux de poisson frites.


Et un très intéressant plat, le concombre de mer avec une sauce aux piments ancho (Pacifique). Très esthétique, la sauce est fine et s’harmonise très bien avec cet étrange animal a la texture un peu caoutchouteuse.


Très belle assiette avec un pepitoria de crevette (Veracruz). Une sorte de ravioli farci au crustacé sur laquelle on versera un fond réalisé avec les déchets des crevettes. Une sauce également à base de graines de diverses courges pulvérisées (pepitoria), poivron et épices.




A nouveau un remarquable cochon de lait noir soufflé (Yucatan) présenté sur une feuille de bananier comme une petit pain.


Une intéressante association de saveurs entre Asie et Mexique avec le mole à l’ail noir avec des avocats (Oaxaca). Cette sauce à base de piment, cacao ou chocolat a ici un parfum de fruits confits ou secs, de la réglisse, du caramel ou du vinaigre balsamique, une légère saveur fumée ou un goût café-chocolat.


Pour suivre, du pigeon maturé avec un mole encacahuatado (Chiapas). Sauce à base de cacahouètes, ail, cannelle, poivrons et piments anchos qui est la version du poblanos en séché et assez doux. Le pigeon lui est découpé à table et servi rosé.


Autre plat de pigeon présenté en deux parties, les cuisses servies avec un fond réalisé avec les ailes, et le moronga qui est une sorte de boudin (Centre du Mexique). Deux assiettes parfaitement complémentaires et qui amènent une saveur plus puissante et bienvenue.



Nous passerons au côté doux de ce menu avec les sucettes de mangue Petacon aux herbes de saison (Mexico). Rafraichissantes et gouteuses.


Pour suivre la palanqueta de graines de courge (Hidalgo). Douceur traditionnelle du Mexique souvent réalisée de fruits secs toastés et recouverts de miel, se fait souvent avec des cacahouètes, des noix ou comme ici avec des graines de courge.


Ensuite un dessert à base de noix de coco avec un tepache d’ananas (Yucatan). Le tepache est une boisson traditionnelle réalisée à partir de la pelure d’ananas, de sucre et cannelle qui ont fermentés.


Et pour terminer, un ecosystème de chocolat (Est et ouest du Mexique). Une association de diverses textures chocolatées, comme mousseuse, croustillantes et moelleuse.


Quelques diverses mignardises pour compléter ce repas.






Au vu de la chaleur et une envie plutôt de bulles que de vin classique, je choisirai un Cava qui s’harmonisera parfaitement avec ce repas. Celui en 2011 de la maison Castellroig. Le Sabaté i Coca, Grande Réserve Brut Nature.


Un repas certes étonnant, très riches en saveurs et avec de très beaux visuels. Il y a beaucoup de recherche et d’idées car ce n’est aucunement comparable à aucun des autres établissements gastronomiques mexicain réputés. Une très belle expérience, un très agréable endroit avec une ambiance tout à fait décontractée. Le chef Paco Mendez vous fera traverser les saveurs du Mexique en quelques heures de manière formidable.

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