samedi 27 juin 2015

Hisop, Barcelone



Il est plutôt rare que je ressorte d’un établissement avec autant de satisfaction. Certes il y a de très belles tables étoilées ou non qui tiennent leurs promesses mais celles qui surprennent et étonnent ne sont tout de même pas légions.

Pour choisir une table à Barcelone, le choix dans la catégorie étoilée est plutôt large, voire impressionnant.  Certaines sont associées a de grands hôtels, d’autres sont en fait les secondes tables de grands chefs comme Martin Berasatagui, les frères Roca ou Carme Ruscalleda  pour ne citer que quelques exemples. Probablement de très belles tables mais ma préférence va vers d’autres chefs de la ville comme  Jordi Cruz, Jordi Vilà,  Rafa Peña et surement d’autres. Il me tardait de découvrir ce soir  la cuisine de Oriol Ivern dont j’avais entendu le plus grand bien.

Presque une « connaissance » puisque ce dernier travailla en Suisse au Beau Rivage de Lausanne et d’autres tables en France et évidement en Espagne. Un chef qui est passionné par la préparation d’ingrédients naturels ou plutôt sauvages comme les champignons, les poissons, la chasse pour ne citer que quelques exemples. 

Un chef qui sublime la cuisine catalane mais sans utiliser des subterfuges ou techniques proches du moléculaire comme c’est parfois le cas « dans le coin ». Donc tout pour me plaire car cela commence a parfois friser le ridicule… C’était  donc une cuisine catalane contemporaine et créative que je recherchais avec des ingrédients et des inspirations régionales mais une transformation savamment étudiée.

C’est donc non loin de l’avenue « Diagonal » et de la station de métro du même nom que « Hisop » se trouve. Le nom catalan correspondant à une  fleur que l’on trouve dans la garrigue.  Une petite rue tranquille et une devanture plutôt discrète.



Une fois à l’intérieur on découvre une salle en longueur avec un décor plutôt moderne très épuré. Murs blancs ou parois et plafonds boisés comme seuls matériaux.




Dans une section de cette salle, quelques tables dans un coin aux murs noirs mais le jeu de lumière adoucit agréablement l’atmosphère.


Nous choisirons le menu « Gourmand » à 61 euros. Un menu vraiment exceptionnel ou chaque plat fut un moment souvent magique avec un crescendo. 

Pour commencer nous sont apportées deux huiles d’olives aux gouts bien distincts. La première plus fruitée, douce et la seconde plus poivrée.  Une huile d’olives grecques Koroneiki de Tarragone avec des arômes surtout de pomme verte, kiwi et de banane. Un peu d’amertume et de piquant avec une astringence finale qui n’interfère pas dans son profil. L’autre huile, Pradolivo Suprem Gourmet de la Sierra Magina avec des senteurs d’artichaut, herbes et pomme. 


Des huiles accompagnées d’un très bon pain aux noix et raisins.


La seule assiette qui fut peut-être à mon avis la moins convaincante mais cela fût la seule exception de ce repas sera l’asperge brulée avec du citron vert et thé. Une demi asperge avec une très discrète senteur de grillé mais la sauce qui l’accompagne manque de relief et les saveurs de thé et citron vert indiscernables. 



L’Omelette d’artichauts au sherry fut une entrée vraiment étonnante car il s’agit d’un sabayon monté au sherry qui a sa saveur si particulière oxydée qui se retrouve finalisé à table au chalumeau afin de transformer la préparation en quelque chose de plus solide sur le dessus. A l’intérieur un subtile mélange d’artichauts et de tomates. Brillante idée que de recréer le concept de l’omelette espagnole mais avec un jeu de textures et des saveurs bien particulières.



Le plat suivant fut les Chanterelles au curry thaï et coques. J’étais plutôt assez méfiant de ce type de plat car souvent on balance un peu trop facilement des épices thaïs un peu partout et l’on a l’impression de manger de la cuisine fusion. Eh bien ici ce fut absolument parfait car l’équilibre des saveurs est judicieusement étudiée afin de ne pas sombrer dans justement du fusion. Les associations du goût de la chanterelle, de l’espuma de lait coco avec son très léger curry probablement vert et la touche marine avec les coques est un très grand plat.


L’assiette suivante restera ancrée pour un sacré moment dans nos têtes car je ne me rappelle pas avoir mangé des crevettes aussi magnifiques que celles-ci à part Asador Etxebarri. Un met appelé Gambas de Vilanova au chocolat. Cette grosse crevette, devenue emblème de ce port de pêche est précieuse et goûteuse. Elle est sublimement cuite car encore un peu crue, déposée sur une réduction du jus des têtes de crevettes et ensuite recouverte de gruau de chocolat torréfiés. 


Un magnifique Poisson du marché grillé aux tomates et huitres, qui fût un saint-pierre encore une fois magistralement cuit à l’arrête, déposé à côté d’un gouteux concassé de tomates fraiche sur lequel se trouve à mon plus grand étonnement une glace à l’huitre ! Un plat toujours aussi mémorable et vraiment innovant avec de chaud-froid et surtout cette glace marine.


En plat principal, une remarquable Queue de bœuf aux amandes et fenouil. La viande fond dans la bouche, le fond de sauce est d’une grande saveur en bouche mais surtout l’association avec cette crème d’amande est fabuleuse. On a un peu l’impression de se retrouver avec une préparation type houmous ou tahiné mais évidemment réalisé avec des amandes. Cette crème associée à la viande est d’un équilibre parfait.



Comme je l’écris souvent, je ne suis que très peu souvent en émerveillement devant les desserts, n’étant pas un bec à miel ou alors les saveurs restent peu équilibrées. Mais ici les desserts furent d’une très grande maitrise et d’un niveau facilement proche d’un deux macarons. 

Pour démarrer, Litchis, agrumes et herbe. Une association de très grande fraicheur avec deux éléments glacés ; le premier un granité de Cava et le second une glace aux litchis avec en dessous si je me rappelle-bien des mangues bien que l’intitulé soit des agrumes.


Comme on nous a suggéré de remplacer les fromages par un autre dessert, nous n’avons pas hésité à prendre un extraordinaire pistache et combava. La glace parfumée avec cette feuille de citronnier est sublime, le petit flan aux pistache d’une très grande gourmandise.


Autre dessert appelé Chocolat noir et prunes à l’armagnac. Pas de lassant fondant au chocolat écœurant mais un subtil jeu de textures fortement parfumées à la fève de cacao sur une glace au pruneau très crémeuse. 


Un dessert absolument parfait appelé Fraises, olives et poivre. Le poivre de Sichuan a été utilisé dans une crème glacée ; la fraise se retrouve tout d’abord sous forme de sorbet sur un cake et sur le dessus des olives noires caramélisées. A côte des fraises en julienne dans un sirop. Un dessert qui à priori semble être classique mais les jeux de saveurs sont bluffantes.


Et cela ne s’arrêtera pas la car les mignardises seront-elles aussi impressionnantes. Tout d’abord de fines lamelles de carottes roulées avec une crème de caramel et ensuite deux autres bouchées dont j’aurai malheureusement la peine de me rappeler  leur préparation. La première des truffes à base de chocolat et ensuite des roulades à base de pommes.




Pour accompagner ce repas, un blanc Pano Senorans Rias Baixas 2013 plutôt minéral de Galice avec des arômes de citron, pamplemousse, pommes et herbes.


Et ensuite un magnifique Priorat Cruor de 2010 aux arômes d’épices douces, de chocolat, et des tanins souples.


Le service fût exemplaire, aimable et souriant.

Voici une des grandes tables de Barcelone qui nous a vraiment impressionnés par autant de justesse dans les cuissons, les associations et surtout les idées qui consistent par exemple à ajouter une touche glacée dans un plat chaud, l’ajout d’un élément doux dans un plat de la mer, l’utilisation d’épices ou de crustacé pour des compositions glacées. Les desserts furent absolument magnifiques,  l’endroit vraiment très agréable pour ce fabuleux repas.

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